Par Alain Fraval. OPIE-Insectes. Les Épingles entomologiques - Épingles parues dans Insectes n° 184 (2017-1)
"La sérendipité caractérise une invention technique ou une découverte scientifique faites par hasard, en cherchant autre chose. Ainsi la découverte des post-it, efficaces papillons de papier, issus d’un ratage de dosage de la colle.
Voici un exemple en post-entomologie – qui fera peut-être date, mais qu’on espère sans suite pratique quand même. Eijiro Miyako, chimiste à l’Institut national de technologie à Tsukuba (Japon), travaille sur les gels liquides ioniques (conducteurs du courant électrique). Curieux, il laisse choir par terre une goutte d’un gel expérimental oublié des années durant dans un tiroir et qui, étonnamment, n’avait pas séché. En l’observant de près, il constate qu’elle s’est recouverte de poussières, comme si elle les attirait ; en la ramassant, il voit qu’elle peut être débarrassée de sa pilosité acquise très aisément. Soucieux par ailleurs de l’avenir de l’entomofaune, considérant que, les abeilles se raréfiant, la pollinisation deviendra de plus en plus difficile, notre chimiste se dit qu’il tient là une application d’avenir de son gel.
En effet, pourquoi une minuscule goutte ne pourrait pas transporter des grains de pollen d’étamines en pistil, véhiculée par un petit drone ? Et remplacer les systèmes lourds et énergivores envisagés jusque-là comme les pinceaux, les seringues ou les cotons-tiges ?
Première manip : vérifier l’efficacité du transport de pollen. Des fourmis sont enfermées toute une nuit dans une boîte remplie de tulipes. Effectivement, celles qu’il a ointes dudit gel sont couvertes de pollen. Et les grains se détachent sans problème.
Mais... après divers essais, E. Miyako constate qu’il est bien difficile d’arriver à quelque chose avec des insectes. Mieux vaut utiliser des drones. Des drones poilus à l’instar des insectes pollinisateurs dont les soies jouent un rôle essentiel dans l’acquisition et la rétention des grains de pollen.
Une escadrille de petits quadricoptères est équipée d’une brosse ventrale (des crins), propre ou enduite du gel pour certains, et envoyée naviguer de fleur en fleur parmi des lys japonais. Il en résulte 37% de fécondation par les chargés du gel, zéro par les propres. C’est sans doute, comme l’indique l’inventeur, le premier système qui marche.
Mais... il est bien difficile et fastidieux de piloter à la main ces petits drones, qui coûtent cher (dans les 15 à 25 €) et ne volent que pendant 3 minutes entre 2 recharges en courant. Il faut attendre une fabrication en très grandes séries, une amélioration fantastique des batteries. Et la conception de logiciels d’intelligence artificielle embarqués. Le travail actuel est en tous cas intellectuellement intéressant.
Mais... les spéculations sur un temps post-entomologique à advenir où des robots suppléeront ou remplaceront les insectes ne doivent pas détourner de l’impérieuse nécessiter de protéger et favoriser ces derniers."
D’après notamment « Robo-Bees Could Aid Insects with Pollination Duties », par Edd Gent. Lu le 9 février 2017 à www.livescience.com
[Image] This illustration shows a tiny drone equipped with horsehair and coated with a gel that could be used to pollinate flowers. Credit: Eijiro Miyako
[L'étude] Materially Engineered Artificial Pollinators: Chem, 09.02.2017 http://www.cell.com/chem/fulltext/S2451-9294(17)30032-3