Insect Archive
58.6K views | +17 today
Follow
Insect Archive
Enseignement - Documentation - Ressources en ligne - Histoire - Billets, récits, analyses...
Your new post is loading...
Your new post is loading...
Scooped by Bernadette Cassel
Scoop.it!

Véronique Chemla : Les enjeux de l'alimentation à base d'insectes

Véronique Chemla : Les enjeux de l'alimentation à base d'insectes | Insect Archive | Scoop.it
Suscitant des réticences fondées, favorisée par des instances onusiennes et européennes, notamment par des politiques de réduction de cheptels, encouragée par des ONG, la consommation d'insectes par les êtres humains et les animaux représente un changement civilisationnel en Europe, en Amérique du nord, en Israël... ainsi que de multiples enjeux : historiques, économiques, financiers, scientifiques, sanitaires, sociaux, culturels, environnementaux...

 

Publié par Véronique Chemla le 07:21:00

[mercredi 22 mars 2023]

 

Arte diffusera [a diffusé, ndé] le 29 mars 2023 à 7 h 15,  dans le cadre de « GEO Reportage », « Les insectes, nourriture de demain ? » (Insekten - Unser Speiseplan für morgen?) de Jean-Luc Nachbauer.

 

via LinkedIn, Véronique Chemla, 22.03.2023

"Les enjeux de l'alimentation à base d'insectes"

https://www.linkedin.com/pulse/les-enjeux-de-lalimentation-%C3%A0-base-dinsectes-v%C3%A9ronique-chemla/?originalSubdomain=fr

 

"C’est un changement de civilisation qui est élaboré dans les arcanes de l’Union européenne (UE) et des Nations unies (ONU), et imposé peu à peu, sans fournir de vision d’ensemble aux citoyens, et en occultant à ces derniers les enjeux notamment financiers et culturels, voire gastronomiques, de ces bouleversements.
 
Le but : au nom de la lutte contre le « changement climatique » ou ses dénominations variées (« dérèglement climatique », « réchauffement climatique »), de la préservation de l’environnement, voire de la survie de la planète Terre et d’une alimentation plus sûre ainsi que plus protéinée, et au fond d’une hiérarchie aberrante, abandonner l’alimentation animale, et tout ce que cela implique, au profit de celle à base d’insectes. Bref, changer l’homme de carnivore gourmet en…
 
Et bien sûr, c’est pour notre bien. Enfin, selon les promoteurs de ces mutations.
 
Comment se manifestent ces changements ? Par l’inflation de réglementations européenne et nationale compliquant inutilement le travail d’agriculteurs. Par la signature d’accords commerciaux avec des Etats ne respectant pas ces réglementations et permettant l’importation en UE de produits agricoles moins chers. Par la disparition des agriculteurs et du secteur agricole – pourtant un atout dans le commerce extérieur français -, ce qui libère des terrains pour installer des éoliennes. Par la fin de l’Histoire agricole d’Etats malgré la persistance – pour combien de temps ? - d’une filière agroindustrielle. Par le silence sur les questionnements concernant les effets « des parcs éoliens sur la dégradation de la santé d’animaux d’élevage ». Par l’utilisation de denrées agricoles non pour la nourriture, mais comme carburant bio ou textiles, etc.
 
Culpabilisant l’homme accusé de tous les maux, inspirée par une vision profondément pessimiste, erronée, anti-biblique et a-humaine – élimination du rapport entre l’homme et l’animal, de la relation entre l’éleveur et ses vaches ; animal perçu uniquement dans son rapport avec la « neutralité carbone » -, empêtrée dans ses contradictions – importation de denrées fabriquées sans respect de sa réglementation contraignante et bureaucratique -, l’Union européenne impose la réduction de troupeaux de bovins au motif que la vache, lors de sa rumination, émet des rots et des flatulences, et donc du « méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus dangereux pour le réchauffement climatique que le CO2, donc en partie responsable du réchauffement du climat ». En octobre 2022, la Nouvelle-Zélande a annoncé « son intention d'imposer les émissions de gaz à effet de serre des animaux d’élevage »…
 
Arnaud Gauffier, en charge des questions agricoles en France pour le Fonds mondial pour la nature (WWF), avait averti en 2015 : « Pour lutter contre le changement climatique, il faut aussi que le consommateur se résolve à "limiter" durablement sa consommation de viande ».
 
Dans ce contexte, se développent les recherches sur la viande artificielle – biotech très coûteuse - et sur la commercialisation d’insectes pour l’alimentation humaine et animale.
 
L’animal – volailles, bovins, ovins, porcs – est intimement lié aux religions, aux fêtes familiales, à la civilisation, à l’Histoire – poule au pot, plat emblématique espéré, car signe de prospérité après les guerres de religion, par Henri IV, roi de France et de Navarre (« Si Dieu me donne encore de la vie, je ferai qu'il n'y a pas de laboureur en mon royaume qui n'ait moyen d'avoir une poule dans son pot ») -, aux évolution sociologiques...
 
La FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) étudie l'entomophagie, c’est-à-dire la consommation d'insectes et d’arachnides (araignées, les scorpions, les acariens) par les humains. « 2 milliards de personnes et ont toujours fait partie de l'alimentation humaine », souligne la FAO.
 
Quant à l’Union européenne (UE), sa « Stratégie de la ferme à la table » « pour un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement » (« Farm to Fork strategy - For a fair, healthy and environmentally-friendly food system ») » est au cœur de son Pacte vert pour l’Europe (2019), qui vise à rendre « les systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement. » Dans ce cadre, l’UE a autorisé dès 2021 la commercialisation d’insectes, riches en protéines et nutriments, comme aliments. Dans la plus grande transparence, alléguait-elle…
 
Or, en février 2023, le magazine 60 millions de consommateurs a publié ses essais comparatifs de 51 cafés. Résultat : « Pas d’alerte sanitaire dans les produits que nous avons passés au crible, mais un excès de corps étrangers dans le café moulu et en grains  ». Quels « corps étrangers » ? « Dans les cafés en grains et moulus, des fragments d’insectes parfois nombreux… jusqu’à 80 dans le café moulu Bellarom de Lidl et même 83 dans le café en grains Alter Eco ! C’est dire que le tri a été incomplet. Même si ces « intrus » ne représentent pas de danger pour le consommateur, leur présence est peu appétissante ». Il aurait été intéressant de savoir quels insectes se trouvaient dans ces cafés et s'il s'agissait d'insectes autorisés ou pas par l'UE. Cette enquête prouve l'insuffisance des contrôles nationaux et européens, en particulier sanitaire, et de l'étiquetage.
 
Rappelons que des mouvements propalestiniens militent pour l’étiquetage des produits israéliens fabriqués dans les territoires administrés par Israël et non pour un étiquetage suffisant sur la présence d’insectes dans nos tasses et assiettes. Chacun a ses urgences. Et on ne peut pas se battre sur tous les fronts… 
 
En mars 2023, selon le Journal officiel hongrois, un "décret du ministre hongrois de l'Agriculture entrera en vigueur en modifiant les règles d'étiquetage des denrées alimentaires. István Nagy avait indiqué qu'un avertissement devrait être donné si la nourriture contient des insectes ou des larves. Selon la nouvelle règle, il doit être clairement indiqué sur l'emballage si un produit approuvé comme nouvel aliment contient des insectes ou des larves. Cela s'applique aussi bien aux aliments disponibles en magasin qu'à ceux qui peuvent être achetés en ligne. L'inscription sera : "Attention! Cet aliment contient des protéines d'insectes !"
 
Pourtant le danger pour le consommateur est réel : outre les insectes non comestibles, les dangers sont nombreux : allergènes, virus, bactéries, toxines, parasites, chitine, allergène qui compose la carapace ou l'exosquelette des insectes, est apprécié des cellules cancéreuses et n'est pas assimilable par l'appareil digestif humain - aucun enzyme ne peut décomposer la chitine - et donc peut percer ce système digestif et rien ne prouve que la chitine est expulsable par les selles...
 
L'eurodéputé Hervé Juvin a alerté : la nourriture des insectes est en partie composée, au terme d'un brevet déposé par la Chine, d'oxyde de graphène. Celui-ci, déjà présent dans les vaccins à ARN Messager contre le coronavirus, présente des caractéristiques : c'est un oxydant puissant, une molécule qui, dans des conditions de températures similaires à celles de l'être humain, peut se regrouper en macromolécule avec des propriétés de sensibilité aux radiations particulières. Ce qui donne le scénario de l'Apocalypse suivant : les nanoparticules d'oxyde de graphène se regroupent dans le corps humain, notamment à proximité des centres nerveux : le cerveau, le cœur, les viscères. Et peut-être ces nanoparticules peuvent être sensibles à des radiations qui viennent par exemple d'un pacemaker, mais qui viennent aussi des ondes millimétriques qui correspondent à la 5G. Et le scénario de l'Apocalypse se dessine, attesté par un certain nombre de publications scientifiques. Si certains voulaient pouvoir créer des états de conscience, si certains pouvaient influer sur le métabolisme humain, mais aussi sur les représentations et sur les connexions nerveuses du corps humain, l'oxyde de graphène leur fournirait une voie royale... Nous ne savons rien du capitalisme cognitif et du capitalisme qui vise à contrôler les états de conscience d'une population ".
 
« Au-delà des enjeux d’expertise spécifiquement associés aux questions d’évaluation des risques sanitaires et des bénéfices nutritionnels relatifs à la consommation des insectes », l’Anses  (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, établissement public à caractère administratif sous la tutelle des ministères de la Santé, de l’Environnement, de l’Agriculture, du Travail et de la Consommation), soulignait en 2015 « les forts enjeux de connaissances portant sur l’acceptabilité sociétale de ces nouvelles consommations ou encore sur les enjeux de développement et d’impact environnementaux qui y sont associés. » Elle préconisait aussi « d’explorer la question du bien-être animal pour ces catégories d’invertébrés » - comment ? -, « de définir un encadrement spécifique des conditions d’élevage et de production des insectes et de leurs produits permettant de garantir la maîtrise des risques sanitaires ». Force est de constater avec ces tests l’insuffisance de contrôles.
 
Les cafards dans votre assiette ? Un mets de fin gourmet à n’en pas douter. Joke. Ces organisations supranationales font fi de la gastronomie des terroirs français et des interdits alimentaires de certaines religions, tel le judaïsme. Le 11 février 2023, le Beth Din (tribunal religieux) de Paris publiait le communiqué "Cacherout : Utilisation et consommation des poudres d'insectes". Un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux tant l'inquiétude et l'indignation étaient vives au sein de la communauté juive française : les insectes ne sont pas cacher, et sont donc interdits à la consommation.
 
Dans une lettre ouverte publiée par L'agri (14 mars 2023), Jean-Paul Pelras, rédacteur en chef du journal, ironise sur la contradiction à inciter les consommateurs à manger des insectes tout en alertant sur les menaces de disparition pesant sur eux, et le revirement opéré en quelques décennies : auparavant, le commerce où était découverte une blatte faisait l'objet de contrôle sanitaire et était déshonoré, alors que désormais l'opprobre vise le client commandant un steak.     
 
En 2019, Iomojo, start-up française fondée par Madeleine Morley et Paola Teulières, "a développé des croquettes à base d'insectes" pour chiens et chats. "Un moyen de lutter contre le réchauffement climatique: la fabrication de la nourriture carnée des seuls animaux de compagnie américains est responsable de l'émission de 64 millions de tonnes de CO2 par an. En France, la nourriture de nos 63 millions d'animaux de compagnie mobilise 363.000 tonnes de sous-produits de viande par an et des quantités astronomiques d'eau... Ces nouveaux mets sont constitués à 20% de farine d'insecte, de la mouche noire Hermetia Illucens, mélangée à de la spiruline et des légumes. A priori anodin, ce changement d'alimentation pour nos animaux de compagnie pourrait avoir un impact réel sur la planète. De fait, l'élevage de larves de mouches consomme 25 fois moins de CO2 par kg que l'élevage de bœuf, 1000 fois moins d'eau. Or, une étude de l'université de Californie calcule que chaque année, aux États-Unis, l'alimentation des 163 millions de chats et chiens produit jusqu'à 64 millions de tonnes d'équivalent CO2. C'est autant que 13,6 millions de voitures pendant un an… Les seuls animaux de compagnie américains seraient ainsi le 5e plus gros consommateur de viande au monde… En France, nous possédons la bagatelle de 20 millions de ces compagnons. En se basant sur l'étude américaine, l'alimentation de nos toutous et chats français produit 8 millions de tonnes de CO2 par an. Autre argument: les insectes sont de gros consommateurs de matières organiques en décomposition, comme du fumier, des déchets de cuisine, des aliments avariés, et tout ce qu'on peut trouver dans un compost. De plus, leurs déchets organiques sont utilisés comme fertilisants."
 
En 2020, Ÿnsect, "start-up française qui élève des scarabées pour nourrir poissons d'élevage, chats, chiens et plantes, a finalisé un troisième tour de table de 316 millions d'euros. Soit, en excluant une première partie déjà annoncée de 110 millions et un financement européen de 23 millions réalisé en 2019, encore la bagatelle de 190 millions d'euros. «  Au total, ce sont 360 millions d'euros levés depuis notre création en 2011, détaille Antoine Hubert, cofondateur et PDG d'Ÿnsect. Soit plus que tous les financements des sociétés insectes dans le monde. » Minoritaires depuis 2016, les trois cofondateurs ont pu compter sur Astanor Ventures, déjà investisseur principal en 2019, ainsi que sur le fonds américain Upfront Ventures, Happiness Capital, Supernova Invest et Armat Group. Sans oublier Footprint coalition, le fonds de l'acteur hollywoodien Robert Downey Jr. Un pool bancaire comprenant la Caisse des dépôts, le Crédit agricole Brie Picardie et la Caisse d'épargne Hauts-de-France complète le financement. Ces montants sont énormes pour une société presque vierge de chiffre d'affaires en 2019. Même si elle a déjà engrangé plus de 100 millions d'euros de contrats sur trois ans, sa production au stade industriel, et donc ses ventes et potentiels bénéfices, n'arriveront qu'en 2022. « Après ce tour, nous n'aurons plus besoin de financement, assure le PDG. Même si nous restons à l'écoute s'il s'agit d'accélérer aux États-Unis ou en Asie, des marchés prioritaires. »
 
"La start-up, qui veut mener la course sur un marché de la nutrition animale pour poissons, chats et chiens estimé à 150 milliards de dollars, a ainsi lancé en mars 2020 la construction d'un site à Poulainville près d'Amiens. Il y produira 100 000 tonnes de protéines faites à partir de son scarabée Tenebrio Molitor. Deux tiers de ces volumes iront vers des engrais pour les plantes, mais 90 % du potentiel de chiffre d'affaires réside dans la valorisation pour de la nourriture animale premium. Selon Ÿnsect, sa technologie protégée par 30 brevets limite ainsi de 40 % la mortalité des crevettes et de 25 % celle des bars. Utilisée comme engrais, elle dope de 25 % les rendements de colza. « Ce positionnement très premium nous différencie d'autres acteurs qui font des criquets et grillons pour l'alimentation humaine, ou des spécialistes des mouches soldats pour la nourriture animale », appuie Antoine Hubert. Comme son compatriote Innovafeed, positionné sur ce créneau. Depuis le feu vert en 2018 par Bruxelles de l'utilisation de larves d'insectes pour l'aquaculture, les appétits pour ce marché sont nombreux. Ÿnsect le sait et veut, avec cette levée, achever sa première usine en France (100 emplois directs). Celle-ci a déjà obtenu les autorisations pour doubler sa production d'ici à 2023. « Rien que sur nos marchés actuels, il y a de la place pour plusieurs dizaines de sites dans le monde. » La jeune entreprise compte bien être de la partie. Notamment aux États-Unis, au Canada et en Asie où elle vise au moins un nouveau site de production (probablement en coentreprise) annoncé d'ici un an. À moyen terme, ses scarabées pourraient aussi servir dans la nourriture pour poulets et volailles. Un marché 3,5 fois plus grand… mais qui attend encore le feu vert de Bruxelles « dans les prochains mois », espère le PDG. Et peut-être un jour dans l'alimentation humaine ? « Pourquoi pas, mais davantage pour des compléments alimentaires pour sportifs ou personnes âgées, que pour des aliments à consommer au quotidien. » Le goût des consommateurs pour les insectes a encore ses limites."
 
En 2021, "l'entreprise toulousaine Agronutris spécialisée dans l'élevage d'insectes pour l'alimentation, a annoncé une levée de fonds record de 100 M€ notamment souscrits par BPI France". Parmi les financeurs : "Mirova, affilée de Natixis Investment Managers, le groupe aveyronnais Nutergia (compléments alimentaires), le Crédit Agricole Nord-Est, le business angel Bertrand Jelensperger, plusieurs Caisses d'épargne dont celle de Midi-Pyrénées ainsi que le CIC.Et "10% sont apportés en subventions par l'État dans le cadre du plan France Relance et par la région Grand-Est". Cet argent servira à construire deux usines de production d'insectes comestibles dont la première sera implantée à Rethel dans les Ardennes d'ici fin 2022... Agronutris qui a beaucoup investi en R&D et en agro-industrie a désormais atteint le stade industriel. Agronutris est la seule entreprise en France à avoir élevé de manière systémique trois espèces : le grillon, le ver de farine et la mouche soldat noire. Elle est aussi la seule entreprise à avoir obtenu l’autorisation de commercialiser des insectes en alimentation humaine. Les premières productions du site industriel porteront sur l’élevage et la transformation de la mouche soldat noire, à destination des marchés de l’aquaculture et de la nourriture pour les animaux de compagnie. L’implantation de l'usine dans les Ardennes est surtout motivée par la présence de nombreux gisements d’intrants, sous-produits et co-produits de l’agro-industrie, qui servent à nourrir les insectes élevés dans l’usine. Par ailleurs, les résidus issus de la production sont transformés en engrais organique, qui va à son tour alimenter les cultures de la région". 
 
Il serait risible que des écologistes ou gauchistes soutiennent cette alimentation à base d’insectes. Car ils deviendraient des « idiots utiles » de multinationales qui domineraient un marché économique et de quelques pays producteurs. Un pactole aussi pour les entreprises de produits phytosanitaires. Quid de la souveraineté alimentaire ? Vers une économie dominée par quelques entreprises détentrices d’un pouvoir exorbitant ?
 
Pour obtenir un retour sur ces investissements très chers dans la biotech et l’alimentation à base d’insectes, pour leur acceptation par des consommateurs européens, il faudra des dépenses gigantesques en endoctrinement idéologique et réduire le choix des consommateurs : prix élevés d’une viande raréfiée destinée à une élite, étiquetage insuffisant, intégration obligatoire dans des menus de cantines, etc. Mais pour sauver la planète, que ne ferait-on pas ?
 
Ainsi, en mars 2023, une école en Utah (Etats-Unis) a donné des insectes, achetés sur un site commercial, à manger à des élèves âgés de 11-12 ans. Et ce, dans le cadre d'un devoir sur le "changement climatique". Les écoliers devaient écrire un essai argumentatif, sans être autorisés à émettre le moindre désaccord. La seule réponse acceptable était que les humains devraient manger des insectes pour leurs protéines au lieu de vaches, qui détruisent la couche d'ozone avec du gaz méthane. Certains élèves ont reçu un bonus supplémentaire pour les inciter à manger les insectes." Des parents d'élèves ont été indignés par ce devoir.
 
Des directives européennes environnementales suscitent une opposition parmi des agriculteurs. Ainsi, elles ont modifié la scène politique néerlandaise. Lors des élections provinciales du 15 mars 2023, le "Mouvement agriculteur-citoyen" ("BoerBurgerBeweging" ou "BBB"), qui n'avait qu'une seule élue, Caroline van der Plas, sa cheffe, élue députée en 2021, a suscité  la surprise en se classant premier. Parce que c'est à l'échelle des provinces que le gouvernement va mettre en place en juin son ambitieux plan de réduction des rejets d’azote, destiné à se mettre en conformité avec les recommandations européennes, mais qui suscite la colère des agriculteurs. Ce plan prévoit de réduire le nombre d'animaux d'au moins 30% au niveau national et d'expulser les fermiers dont les exploitations se situent trop près des zones Natura 2000 pour les protéger de la pollution. Il y a trente ans, les Pays-Bas ont fait le choix de l'élevage intensif, c'est comme ça qu'ils ont réussi à devenir le 1er exportateur de viande de l'Union européenne, malgré sa petite taille (environ 41 500 km2 pour 18 millions d'habitants). Sauf qu'aujourd'hui ce modèle est dans une impasse environnementale, économique et sociétale. Sa réforme est une nécessité. Pourtant le "Mouvement agriculteur-citoyen", soutenu par une partie de la population, continue de le défendre. Classé comme un parti de droite, populiste, plutôt anti-Union européenne et anti-immigration, BBB demande pourquoi le gouvernement ne s'attaque pas à d’autres secteurs comme l’industrie et les transports. La Haye veut débloquer 25 milliards d’euros d’ici à 2035 pour aider le secteur agricole à réduire ses émissions d’azote. » Une politique décidée sans écoute des premiers concernés - les agriculteurs – et par une hiérarchie aberrante des priorités (environnement prévalant sur l’animal).
 
C’est donc une politique européenne lourde de menaces, créatrice de pénuries alimentaires et dispensatrice de subventions qui est contestée par des citoyens défendant leurs traditions et leur indépendance nationale.
 
L’exemple agricole est un parmi beaucoup d’autres de l’effondrement d’une civilisation en raison de politiques problématiques, génératrices de pénuries, voire de famines, menées par des élites contre des peuples attachés à leur identité. Et l’alimentation en est un élément constitutif important.
 
Il a fallu des siècles pour que la civilisation européenne élabore ses gastronomies, l’ordonnancement de ses repas, et qu’à l’initiative des êtres humains, les animaux contribuent à façonner des paysages, à les entretenir (transhumance, inscrite à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français en 2020).
 
L’agriculture conventionnelle a été honnie depuis des décennies, et celle biologique ou durable louée, présentée comme l’avenir du secteur primaire. La crise actuelle – inflation notamment du prix des denrées alimentaires et de l’énergie, perte de pouvoir d’achat, etc. – a induit le retour d’agriculteurs biologiques vers l’agriculture traditionnelle. Soutenir les agriculteurs ou paysans, quelle que soit leur dénomination, semble indispensable. 
 
Ce qui risque de se profiler, c’est une société présentant des similarités avec celle de « Soleil vert », dystopie réalisée par Richard Fleischer, avec Charlton Heston et Edward G. Robinson. 
 
On a tout à craindre d’organisations européennes ou internationales, dont les conflits d’intérêts, l’opacité dans la prise de décision - contrats de l'UE avec Big Pharma communiqués caviardés, refus de communication de textos échangés par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Albert Bourla, PDG de la firme pharmaceutique Pfizer -, la corruption (« Marocgate » « Qatargate ») et l'influence de lobbys ou d'Etats (Chine) ont été révélés lors de la gestion catastrophique de la pandémie de coronavirus.
 
FAO
 
Dans son document « La contribution des insectes à la sécurité alimentaire, aux moyens de subsistance et à l'environnement » (The Contribution of Insects to Food Security, Livelihoods and the Environment), la FAO indique : « La croissance démographique, l'urbanisation et la montée des classes moyennes ont fait augmenter la demande mondiale en aliments, notamment en protéines d'origine animale. La production traditionnelle d’aliments pour animaux domestiques, comme le soja et les céréales de farine de poisson, doit s’intensifier encore plus en ce qui concerne l'utilisation efficace des ressources, et en même temps être étendue moyennant l'utilisation de sources de protéines alternatives. D’ici 2030, plus de 9 milliards de personnes devront être nourries, tout comme les milliards d'animaux élevés chaque année pour l'alimentation, les loisirs et comme animaux de compagnie. En outre, des facteurs externes tels que la pollution des sols et de l'eau dus à la production animale intensive et le surpâturage conduisant à la dégradation des forêts, contribuent au changement climatique et à d’autres effets néfastes sur l'environnement. De nouvelles solutions doivent être recherchées. » Or, si l’Afrique connait une croissance démographique, de nombreux  Etats européens refusent d’initier des politiques natalistes et leurs classes moyennes se contractent sous l’effet de la paupérisation. Le reste des assertions n’est pas étayé d’arguments.
 
Et la FAO de poursuivre « Une des nombreuses façons de répondre aux problèmes de la sécurité alimentaire humaine et animale est d’envisager l'élevage d'insectes. Les insectes sont partout et ils se reproduisent rapidement. Ils présentent, en outre, des taux de croissance et de conversion alimentaire élevés et ont un faible impact sur l'environnement pendant tout leur cycle de vie. Ils sont nutritifs, avec une teneur élevée en protéines, matières grasses et minéraux. » Tout pour plaire !
 
« Ils peuvent être élevés à partir des déchets organiques comme par exemple les déchets alimentaires. Par ailleurs, ils peuvent être consommés entiers ou réduit en poudre ou pâte et incorporés à d'autres aliments. L'utilisation d'insectes à grande échelle comme ingrédient alimentaire est techniquement faisable, et certaines entreprises établies dans diverses régions du monde montrent déjà la voie à suivre à cet égard. Le recours aux insectes, en tant qu’aliment pour l'aquaculture et l'élevage de volailles, se généralisera probablement au cours de la prochaine décennie », poursuit la FAO.
 
Et la FAO de préciser : « L'entomophagie est pratiquée dans de nombreux pays du monde entier, mais principalement dans certaines régions d'Asie, Afrique et Amérique latine. Les insectes complètent les régimes alimentaires d'environ 2 milliards de personnes et ont toujours fait partie de l'alimentation humaine. Cependant, c'est seulement récemment que l'entomophagie a capté l'attention des médias, instituts de recherche, chefs cuisiniers et autres membres de l'industrie alimentaire, législateurs et autres institutions s'occupant d'alimentation humaine et animale. Le Programme de la FAO sur les insectes comestibles examine également le potentiel des arachnides ». Non, sauf erreur involontaire, les Européens ne se sont pas nourris d’insectes.
 
Le « Pacte Vert » et la « Stratégie de la ferme à la table »
 
Le « Pacte vert pour l’Europe. Notre ambition : être le premier continent neutre pour le climat » (A European Green Deal . Striving to be the first climate-neutral continent) a été présenté le 11 décembre 2019. Un plan dont l’Union européenne (UE) espère croissance économique, planète sauvée, alimentation saine, etc. 
 
Le Pacte Vert est fondé sur des assertions non étayées d’arguments : « Le changement climatique et la dégradation de l’environnement constituent une menace existentielle pour l’Europe et le reste du monde. Pour relever ces défis, le pacte vert pour l’Europe transformera l’UE en une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, garantissant la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050, une croissance économique dissociée de l’utilisation des ressources, que personne n’est laissé de côté. »
 
Ce Pacte vert poursuit trois buts : Europe premier continent neutre pour le climat d’ici à 2050, réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990 et 3 milliards d’arbres supplémentaires plantés dans l’UE d’ici à 2030 ». 
 
« Le pacte vert pour l’Europe est également la ligne de conduite de l’Union européenne pour sortir de la pandémie de COVID-19. Un tiers des 1 800 milliards d’euros d’investissements du plan de relance NextGenerationEU et le budget septennal de l’UE financeront le pacte vert pour l’Europe. » Pourquoi ?
 
Le 11 décembre 2019, a été présenté le Pacte Vert européen, et le 14 janvier 2020 le plan d’investissement du Pacte vert pour l’Europe et du mécanisme pour une transition juste.
 
A suivi une abondance de textes européens dont, le 20 mai 2020, la Stratégie « De la ferme à la table » visant à rendre nos systèmes alimentaires plus durables ».
 
La « Stratégie de la ferme à la table  » « pour un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement » (« Farm to Fork strategy - For a fair, healthy and environmentally-friendly food system ») » est au cœur du Pacte vert pour l’Europe, qui vise à rendre les systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement. »
 
« Les systèmes alimentaires ne peuvent pas résister à des crises telles que la pandémie de COVID-19 si elles ne sont pas durables. Nous devons repenser nos systèmes alimentaires qui représentent aujourd’hui près d’un tiers des émissions mondiales de GES, consomment de grandes quantités de ressources naturelles, entraînent une perte de biodiversité et des impacts négatifs sur la santé (en raison de la sous-nutrition et de la surnutrition) et ne permettent pas à tous les acteurs, en particulier aux producteurs primaires, de rendements économiques équitables et de moyens de subsistance équitables. »
 
« Mettre nos systèmes alimentaires sur une voie durable offre également de nouvelles opportunités pour les opérateurs de la chaîne de valeur alimentaire. Les nouvelles technologies et les découvertes scientifiques, combinées à une sensibilisation accrue du public et à la demande d’aliments durables, profiteront à toutes les parties prenantes. »
 
« La stratégie « De la ferme à la table » vise à accélérer notre transition vers un système alimentaire durable qui devrait :
• avoir un impact environnemental neutre ou positif
• aider à atténuer le changement climatique et à s’adapter à ses impacts
• inverser la perte de biodiversité
• assurer la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé publique, en veillant à ce que chacun ait accès à des aliments suffisants, sûrs, nutritifs et durables
• préserver le caractère abordable des denrées alimentaires tout en générant des rendements économiques plus équitables, en favorisant la compétitivité du secteur de l’approvisionnement de l’UE et en promouvant le commerce équitable ».
 
Dans ce cadre, la Commission de l’UE a autorisé la commercialisation comme aliments d’insectes : le criquet migrateur  en novembre » 2021, les larves séchées de Tenebrio molitor (ver de farine)  le 1er juin 2021 le grillon domestique (Acheta domesticus) le 10 février 2022. 
 
Le « grillon domestique sera disponible congelé, séché ou en poudre. L’autorisation a été approuvée par les États membres le 8 décembre 2021, à la suite d’une évaluation rigoureuse réalisée par l’Agence européenne de sécurité des aliments, qui a conclu que la consommation de cet insecte était sans danger dans le cadre des utilisations proposées. Les produits  contenant ce nouvel aliment seront étiquetés de manière adéquate pour signaler tout risque de réaction allergique. Ces dernières années, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a constaté que les insectes constituaient une source alimentaire saine et nutritive, à forte teneur en matières grasses, en protéines, en vitamines, en fibres et en minéraux. Les insectes sont un élément important de l’alimentation quotidienne de centaines de millions de personnes dans le monde. Dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table », ils sont considérés comme une source potentielle de protéines qui pourrait faciliter la transition vers un système alimentaire plus durable. » 
No comment yet.
Scooped by Bernadette Cassel
Scoop.it!

Loi sur la restauration de la nature [5/9]

Loi sur la restauration de la nature [5/9] | Insect Archive | Scoop.it
Communiqué de presse22 juin 2022Bruxelles
Pacte vert: des propositions inédites pour rétablir la nature en Europe d'ici à 2050 et réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici à 2030

 

Bernadette Cassel's insight:

 

Actualité en relation

 

  • Réponse de la Commission européenne à la pétition pour la protection des pollinisateurs (cette pétition a été signée par au moins 1 million d’européens) - De www.touteleurope.eu - 11 avril, 18:01

 

No comment yet.
Scooped by Bernadette Cassel
Scoop.it!

La pétition (ICE) "Sauvons les abeilles et les agriculteurs !" [1/9]

La pétition (ICE) "Sauvons les abeilles et les agriculteurs !" [1/9] | Insect Archive | Scoop.it
Afin de protéger les abeilles et la santé des citoyens, nous demandons à la Commission de proposer des actes juridiques visant à supprimer progressivement les pesticides de synthèse d'ici à 2035, rétablir la biodiversité et aider les agriculteurs pendant cette phase de transition.

 

"Vers une agriculture respectueuse des abeilles pour un environnement sain : Informations concernant l'initiative"

 

-------

NDÉ

[1/9]

 

  • Réponse de la Commission européenne à la pétition pour la protection des pollinisateurs (cette pétition a été signée par au moins 1 million d’européens) - De www.touteleurope.eu - 11 avril, 18:01

 

« Prises dans leur ensemble, les propositions et initiatives de la Commission constituent une réponse globale aux demandes formulées dans le cadre de l'ICE.»

 

 

[2/9] à [9/9]

(détails de la réponse de l'UE à la pétition)

 

« ... Les actions de la Commission dans le cadre du pacte vert pour l'Europe [2/9] visant à garantir la durabilité des systèmes alimentaires comprennent notamment: la stratégie de l'UE «De la ferme à la table» [3/9] et la stratégie en faveur de la biodiversité [4/9], la loi sur la restauration de la nature [5/9], le règlement sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable [6/9], l'initiative européenne révisée sur les pollinisateurs [7/9], le «nouveau pacte en faveur des pollinisateurs» [8/9], ainsi que la nouvelle politique agricole commune de l'UE [9/9] pour la période 2023-2027.

 

No comment yet.
Scooped by Bernadette Cassel
Scoop.it!

Règlement sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable [6/9]

Règlement sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable [6/9] | Insect Archive | Scoop.it
Pacte vert: des propositions inédites pour rétablir la nature en Europe d'ici à 2050 et réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici à 2030

 

 

Questions et réponses sur les pesticides

 

Fiche d'information sur la réduction des risques et de l'utilisation des pesticides en Europe

 

Fiche d'information sur une utilisation plus durable des pesticides en Europe

 

Fiche d'information sur le soutien aux agriculteurs pour réduire l'utilisation de pesticides chimiques

 

Bernadette Cassel's insight:

 

Actualité en relation

 

  • Réponse de la Commission européenne à la pétition pour la protection des pollinisateurs (cette pétition a été signée par au moins 1 million d’européens) - De www.touteleurope.eu - 11 avril, 18:01

 

No comment yet.
Scooped by Bernadette Cassel
Scoop.it!

Un pacte vert pour l’Europe [2/9]

Un pacte vert pour l’Europe [2/9] | Insect Archive | Scoop.it
Les propositions de la Commission européenne visant à adapter ses politiques en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030.

 

Les avantages du pacte vert pour l’Europe

Le pacte vert pour l’Europe améliorera le bien-être et la santé des citoyens et des générations futures en offrant

un air pur, une eau propre, des sols sains et la biodiversité

 

[...]

Bernadette Cassel's insight:

 

Actualité en relation

 

  • Réponse de la Commission européenne à la pétition pour la protection des pollinisateurs (cette pétition a été signée par au moins 1 million d’européens) - De www.touteleurope.eu - 11 avril, 18:01

 

No comment yet.
Scooped by Bernadette Cassel
Scoop.it!

L’écologie, une terre de conflits

L’écologie, une terre de conflits | Insect Archive | Scoop.it

Par Nicolas Truong dans Le Monde - 03 juin 2022

 

 

Le combat contre la catastrophe climatique oppose de multiples courants de pensée divisés entre un environnementalisme réformiste et une écologie plus radicale. De son côté, l’extrême droite tente de conjuguer la préservation de la biodiversité avec la défense de l’identité ethnique.

 

Des milliers d’oiseaux étourdis par la chaleur qui tombent en pluie sur les terres craquelées de l’Inde et du Pakistan. Des saumons qui meurent brûlés par la température trop élevée d’un fleuve aux Etats-Unis. Un consortium d’experts intergouvernementaux sur le climat qui rappelle que l’humanité dispose d’un temps restreint afin de « garantir un avenir viable ». L’Ukraine meurtrie devenue l’épicentre d’un conflit global de l’énergie et d’une crise alimentaire mondiale. Le réchauffement climatique qui place les organismes aux limites de ce que peut supporter leur physiologie… L’écologie est assurément l’affaire du siècle, le grand combat d’aujourd’hui. Mais elle est aussi une source de conflits que l’urgence de la dévastation planétaire amplifie.

 

Au point que les appels à la « désertion » se multiplient. A l’image de ces jeunes ingénieurs d’AgroParisTech qui, le 30 avril, lors de la cérémonie de remise de leurs diplômes ont appelé à « bifurquer » et à refuser le « système ». Notamment celui de l’agro-industrie, qui mène une « guerre au vivant » et à la paysannerie. Une invitation à ne pas participer aux métiers qui les conduiront à « concevoir des plats préparés et ensuite des chimiothérapies pour soigner les maladies causées » ou encore à « compter des grenouilles et des papillons pour que les bétonneurs puissent les faire disparaître légalement ». Un mouvement qui rappelle et radicalise celui lancé en 2018 par le manifeste étudiant « Pour un réveil écologique ». Une volonté de faire sécession qui témoigne d’un « affect écologique universel » dont la jeunesse est traversée, observe le philosophe Dominique Bourg. A tel point que, selon une enquête mondiale sur l’écoanxiété menée dans dix pays du Nord comme du Sud, 75 % des 16-25 ans jugent le futur « effrayant » et 56 % estiment que « l’humanité est condamnée » (The Lancet Planetary Health, 2021).

 

Ces appels à « bifurquer », comme dit le philosophe Bernard Stiegler, c’est-à-dire à emprunter un autre chemin, parce que « notre modèle de développement est un modèle de destruction », et que « la véritable guerre mondiale », c’est « celle qui oppose notre genre tout entier à son environnement global », disait le philosophe Michel Serres, mettent en relief la nature du conflit entre deux écologies, assure Bruno Villalba, professeur de science politique à AgroParisTech et auteur de L’Ecologie politique en France (La Découverte, 128 pages, 10 euros). Une écologie « superficielle » et une écologie « profonde », que le philosophe norvégien Arne Næss (1912-2009) s’est attaché à distinguer dès 1973. « Superficielle », en raison de son inclination à proposer des solutions techniques afin de diminuer la pollution ou d’endiguer la surconsommation sans s’attaquer aux racines d’un productivisme axé sur une conception anthropocentrée du monde. « Profonde », parce qu’elle s’évertue à associer les formes de vie humaines et non humaines au sein d’une métaphysique écocentrée. Une philosophie de l’écologie qu’Arne Næss a baptisée « écosophie », terme repris par le philosophe et psychiatre Félix Guattari.

Gouvernement contre autonomie

Beaucoup d’intellectuels s’accordent en effet sur le constat d’une fracture entre une écologie « conciliatrice » avec le productivisme et une écologie « radicale » qui cherche à rompre avec lui, une opposition entre une écologie « correctrice » et une écologie « paradigmatique », poursuit Dominique Bourg, à savoir entre un environnementalisme qui présuppose une séparation ontologique entre l’homme et son environnement et une écologie qui prend acte de nos interdépendances avec le vivant. Une « écologie de gouvernement » et une « écologie de l’autonomie », résume le philosophe Antoine Chopot, auteur avec Léna Balaud de Nous ne sommes pas seuls (Seuil, 2021).

 

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Pour les philosophes Léna Balaud et Antoine Chopot, « l’écologie est porteuse d’une charge révolutionnaire »

 

Cette écologie correctrice est largement dominante. Elle repose sur le « développement durable », une idée forgée par le rapport de la commission Brundtland en 1987 afin de « répondre au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations à répondre au leur ». Elle s’articule notamment autour des notions de « transition » (des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, telles que le solaire et l’éolien, afin de sortir de l’industrie du pétrole et du charbon), de « compensation » (comme la plantation d’arbres afin de compenser l’impact carbone d’un trajet en avion ou d’une construction en béton), de « résilience » (à l’image de ces territoires régénérés après une exposition à une industrialisation et une agriculture intensives) et de « soutenabilité » (qui tend à remplacer l’expression « développement durable »).

 

Newsletter
« La Revue du Monde »
Chaque vendredi, les dix articles de la semaine qu'il ne fallait pas manquer.

 

Cette écologie correctrice, qui cherche à s’adapter à un monde limité, est notamment portée par l’ingénieur et conférencier Jean-Marc Jancovici, qui propose de « concilier sobriété et capitalisme » grâce à la « décarbonation effective de nos activités ». Alors que le premier quinquennat d’Emmanuel Macron « n’a en rien favorisé » ce qu’il appelle « l’inversion des critères de décision », à savoir que la lutte contre le changement climatique doit être « pilotée » par le changement de « logiciel » économique, The Shift Project, un laboratoire d’idées qu’il a cofondé, vient de proposer un Plan de transformation de l’économie française (Odile Jacob, 272 pages, 11,90 euros).

 

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Jean-Marc Jancovici : « Il n’y a pas d’échappatoire au problème climatique »

 

Afin de « mettre en place la gouvernance de la transition » qui réduirait la consommation de ces énergies fossiles qui ont « détraqué » le climat, et de sortir de la dépendance au pétrole – « le sang de la mondialisation » –, le collectif porté par Jean-Marc Jancovici propose pêle-mêle de « prioriser » les ressources en hydrogène produit par l’électrolyse, d’électrifier le parc automobile, d’étendre la cyclogistique (le transport de marchandises à vélo), de diminuer par trois la consommation de viande bovine, de mettre fin à la « déforestation importée » (provoquée par l’exportation de soja, de crevettes ou d’huile de palme) par l’étiquetage obligatoire sur tous les produits transformés, ou de prendre moins l’avion et davantage le train. Un plan « ni croissanciste, ni décroissanciste », tient-il à préciser.

 

Mais le recours aux solutions technologiques tout comme sa défense de l’énergie nucléaire qui, dit-il, « est la plus sûre pour les hommes, et la plus respectueuse de l’environnement », ne cesse de diviser. Cette écologie « conciliatrice » s’inscrit dans le cadre d’un Green Deal européen, ce Pacte vert qui est, selon la diplomate Laurence Tubiana, « le nouveau contrat social » contemporain au sein duquel il faut se préparer à « affronter le choc macroéconomique de l’action climatique », explique l’économiste Jean Pisani-Ferry dans Politiques de l’interrègne (Le Grand Continent. Gallimard, 320 pages, 21 euros). Sans être hostile à une écologie de gouvernement, à condition de « ne pas subordonner la transition écologique à la croissance économique », comme le fait selon lui la Commission européenne avec son Pacte vert, l’économiste Eloi Laurent propose, dans la revue Germinal (numéro 2, mai 2021), d’aller plus loin et de « sortir de la croissance », à l’instar de la Nouvelle-Zélande en matière de santé, affirme-t-il, afin de réaliser la « transition sociale-écologique ».

Domination industrielle de la nature

Mais les conflits fracturent aussi les partisans d’une écologie « sans transition », selon l’expression du collectif Désobéissance écolo Paris. Ainsi, Antoine Chopot relève qu’« une gauche anticapitaliste et léniniste en quête d’intégration d’une écologie longtemps restée hors de son champ d’attention » reproche aux nouveaux naturalistes de « pleurnicher le vivant », comme l’écrit l’économiste Frédéric Lordon. Et de se détourner de l’immuable combat de notre temps : « C’est le capitalisme qui détruit la planète, ça n’est qu’en détruisant le capitalisme qu’on sauvera la planète » (Figures du communisme, La Fabrique, 2021). Une gauche désarçonnée par l’apport conceptuel de la nouvelle écosophie, qui craint que l’écologique supplante l’économique, que la nature détrône la culture, que l’amour des oiseaux remplace le soutien aux prolétaires, que l’attention aux terres damées détourne celle pour les damnés de la Terre. Or, réplique Antoine Chopot, « on peut être anticapitaliste parce qu’on est sensible au monde sauvage, aux conditions de vie des vivants, à leur épanouissement, à leurs points de vue, et aux relations constitutives avec le reste des habitants ». Il convient non seulement de « politiser l’émerveillement » avec le philosophe Baptiste Morizot, mais aussi l’émoi et l’effroi que peut provoquer une coupe rase dans une hêtraie sauvage. « Ces affects ressentis face à la destruction du monde vivant sont aussi des portes d’entrée vers la politique, puisqu’ils peuvent nous faire remonter aux causes du ravage écologique », témoigne Antoine Chopot.

 

D’autre part, rien ne garantit que d’autres figures du communisme ou du socialisme préserveraient des ravages de l’extractivisme. C’est notamment ce qu’a mis en relief le philosophe Serge Audier : l’histoire de l’« hégémonie prométhéenne » occidentale montre que les syndicalistes révolutionnaires et les marxistes orthodoxes du siècle dernier envisageaient le socialisme comme « l’héritier dialectique du capitalisme » (L’Age productiviste, La Découverte, 2019). En résumé, « il se pourrait que la gauche ait été largement “hégémonisée” par l’imaginaire et la pratique du capitalisme industriel ».

 

Chez la plupart des marxistes, la domination industrielle de la nature reposerait sur une culture séparatiste et artificialiste semblable à celle des libéraux, même si la philosophe américaine Judith Butler considère, dans Deux lectures du jeune Marx (Les Editions sociales, 2019), qu’on a « largement exagéré l’idée selon laquelle, pour Marx, le travail est un acte de domination de la nature ». « La situation actuelle de transformation cataclysmique de la composition chimique de l’atmosphère, des sols et des océans, ce n’est pas une crise standard, ce n’est pas une contradiction ordinaire, interne, du capitalisme », prolonge le philosophe Pierre Charbonnier, auteur de Culture écologique (Presses Sciences Po, 344 pages, 19 euros). D’autant qu’« il n’y a pas que le capitalisme qui a accompagné le développement matériel, même s’il a évincé tous les autres systèmes. D’ailleurs, on peut tout à fait imaginer que le triomphe d’une révolution communiste mondiale au XXe siècle nous laisserait avec un “bilan carbone” encore pire que celui constaté aujourd’hui, tout simplement parce que ses performances productives et développementales auraient été bien meilleures ».

L’émergence d’une écologie décoloniale

Figure centrale de la révolution spartakiste dotée d’une sensibilité naturaliste, Rosa Luxemburg (1871-1919) avait déjà résolu ces contradictions dans ses Lettres de prison. Dans sa correspondance avec son amie Sophie Liebknecht, la militante de la IIe Internationale écrit : « Savez-vous que j’ai souvent l’impression de ne pas être vraiment un être humain, mais un oiseau ou un autre animal qui a pris forme humaine. Au fond, je me sens beaucoup plus chez moi dans un bout de jardin, comme ici, ou à la campagne, couchée dans l’herbe au milieu des bourdons, que dans un congrès du parti. » Inutile d’y voir une manière de déserter son combat prolétarien. « A vous je peux bien le dire, poursuit-elle, vous n’allez pas me soupçonner aussitôt de trahir le socialisme. Vous le savez, j’espère mourir malgré tout à mon poste, dans un combat de rue ou un pénitencier. » « Mais, écrit-elle encore, en mon for intérieur, je suis plus près de mes mésanges charbonnières que des “camarades”. » Affaire de sensibilité et non de sensiblerie. Question d’humanité et non de pleurnicherie.

 

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’écoféminisme, contre les « dominations croisées » des femmes et de la nature

 

Bien avant les travaux de la biologiste Rachel Carson (1907-1964) qui ont révélé l’ampleur des méfaits, notamment sanitaires, des pesticides aux Etats-Unis dans Printemps silencieux (1962), Rosa Luxemburg dévore des ouvrages de sciences naturelles, de botanique ou de zoologie, et comprend pourquoi les « oiseaux chanteurs » disparaissent d’Allemagne : « Cela est dû à l’extension de la culture rationnelle – sylviculture, horticulture, agriculture – qui détruit peu à peu les endroits où ils nichent et se nourrissent : arbres creux, terres en friche, broussailles, feuilles fanées qui jonchent le sol. J’ai lu cela avec beaucoup de tristesse. » Son affliction n’est pas anthropocentrée : « Je n’ai pas tellement pensé au chant des oiseaux et à ce qu’il représente pour les hommes, mais je n’ai pu retenir mes larmes à l’idée d’une disparition silencieuse, irrémédiable de ces petites créatures sans défense. » Mais sa compassion s’élargit à l’ensemble des espèces et des peuples arraisonnés. « Je me suis souvenue d’un livre russe, du professeur Sieber, sur la disparition des Peaux-Rouges en Amérique du Nord que j’ai lu à Zurich : eux aussi sont peu à peu chassés de leur territoire par l’homme civilisé et sont condamnés à une mort silencieuse et cruelle. » Sans transformer ces lettres de prison en un traité d’émancipation écopolitique, on peut remarquer que Rosa Luxemburg établit une correspondance entre les différents types de dominations.

 

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Aux origines coloniales de la crise écologique

 

Car tout est lié dans notre monde enchevêtré. C’est pourquoi se déploie depuis quelques années une écologie décoloniale critique envers un « colonialisme vert », dont la matrice est la plantation, mise en place depuis les débuts de la colonisation, comme l’a analysé l’ingénieur en environnement Malcom Ferdinand dans Une Ecologie décoloniale (Seuil, 2019), à l’aide du concept de « plantationocène » proposé par l’anthropologue Anna Tsing et la philosophe Donna Haraway. C’est ainsi que se sont également développés les écoféminismes, parfois critiqués en raison « des formes d’essentialisme » qui « [associent] les femmes à la nature » auxquelles certaines féministes, qui sont également écologistes, telle la théoricienne des gender studies Judith Butler, refusent de souscrire.

« Faire discuter les chasseurs et les végans »

La tentative de dépassement des oppositions convenues entre l’anticapitalisme écologique et les nouvelles humanités environnementales est en partie à l’œuvre, un peu à la manière dont la gauche intellectuelle et politique essaye de sortir de l’alternative rebattue entre le « social » et le « sociétal ». Un dépassement perceptible sur le plan théorique, notamment illustré par le philosophe Paul Guillibert, qui s’attache, dans Terre et Capital (Amsterdam, 2021), à « replacer le vivant au cœur d’une politique communiste » à condition que celle-ci soit capable de « refonder sa cosmologie sur un naturalisme renouvelé ». Un « communisme du vivant » présent dans tous les endroits « où l’on tente de suspendre l’exploitation de la nature et du travail au nom d’un usage vivant de la Terre », comme à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) en France ou à Standing Rock aux Etats-Unis, réserve amérindienne où les Lakotas se sont opposés à un projet de pipeline menaçant les ressources en eau.

 

Le dépassement entre écologie sociocentrée et écologie naturaliste, entre praticiens de l’agriculture paysanne et partisans de la libre évolution (ces terres rachetées par des particuliers ou des associations et soustraites à toute exploitation) s’opère aussi sur le terrain. C’est l’objet du collectif Reprise de terres, qui enquête notamment sur les conflits entre usages et protection des milieux (forêts, champs, zones humides, etc.) et montre qu’il est possible d’associer petit élevage et vie sauvage, production d’une alimentation de qualité et réensauvagement.

 

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés Bruno Latour : « L’écologie, c’est la nouvelle lutte des classes »

 

Mais la volonté d’écologiser le monde au sein d’une politique terrestre n’est pas réductible au communalisme des zones à défendre (ZAD) ou aux archipels réensauvagés. A la manière de Léon Blum qui, au congrès de Tours (1920), voulait « garder la vieille maison » socialiste de la SFIO face à la scission communiste, le philosophe Bruno Latour, auteur d’un Mémo sur la nouvelle classe écologique avec Nikolaj Schultz (La Découverte, 94 pages, 14 euros), considère qu’« on ne peut ouvrir un front écologique sans culture du compromis, c’est-à-dire sans social-démocratie ». En effet, l’ambition de « maintenir les conditions d’habitabilité de la planète » nécessite de sceller de nouvelles « alliances géosociales » et oblige à « faire discuter ensemble les chasseurs et les végans, les entrepreneurs capitalistes et les anarchistes zadistes ». Les conflits entre la gauche et la droite, analyse-t-il, se sont construits autour des questions de production et se poursuivent aujourd’hui sur les questions d’habitabilité.

 

Il existe aussi une droite qui estime que l’écologie est intrinsèquement conservatrice, puisqu’elle vise à « conserver » la biosphère, mais également une extrême droite ancrée dans la mouvance écologiste, qui adosse son idéologie réactionnaire à la préservation de la Terre. « A force de dire que l’écologie est de gauche, comme le font certains militants, nous avons oublié que l’écologie politique a aussi des racines de droite, et à force d’isoler la pensée d’extrême droite, nous avons oublié les effets de contagion et d’emprunt », constate le politologue Stéphane François, qui a mené une enquête sur « l’écologie de l’extrême droite française » (Les Vert-Bruns, Le Bord de l’eau, 216 pages, 20 euros).

La voie de l’écorépublicanisme

« La protection de l’environnement est évidemment la vocation du conservatisme, qui n’est rien d’autre que la défense du foyer », estime ainsi le philosophe conservateur britannique Roger Scruton, se référant à l’étymologie du mot « écologie » – forgé sur le grec oikos (« maison », « habitat ») et logos (« discours », « raison ») –, cette science de l’habitat et de la maison inventée en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel. Les ambivalences du vocable, qui désigne à la fois l’étude des milieux naturels et un combat contre ce qui les détruit, conduiraient l’écologie à osciller entre progressisme et conservatisme. Mais aussi à « basculer du côté d’un antimodernisme réactionnaire, contre-révolutionnaire et anti-Lumières », que l’essor de la droite radicale est venu « confirmer et accentuer » ces dernières années, affirme Stéphane François.

 

Tout d’abord, les extrêmes droites ont « une conception organiciste » de la communauté, ce qui les conduit à souhaiter que les groupes ethnoculturels préservent leurs particularismes du métissage et de l’indifférenciation. Cette dénonciation de l’« idéologie du même » portée par Alain de Benoist, le théoricien de la nouvelle droite, est un « ethno-différentialisme » : les peuples et la diversité des cultures doivent être protégés « d’un système général d’homogénéisation planétaire », affirme Alain de Benoist. Cet ethno-différentialisme reposerait sur ce que l’essayiste Hervé Juvin, l’expert en écologie du Rassemblement national et chroniqueur de la revue Eléments, appelle l’« écologie des civilisations » (La Grande Séparation, Gallimard, 2013).

 

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Stéphane François : « L’écologie est devenue un enjeu de l’extrême droite occidentale depuis les années 2000 »

 

Les adeptes de la révolution conservatrice s’attachent à combattre une mondialisation qui détruirait aussi bien l’ethnodiversité que la biodiversité. C’est en cela que « l’écologie d’extrême droite est fondamentalement une écologie des populations », écrit Stéphane François. L’écologie néodroitière repose également sur le localisme, le néopaganisme et l’anti-universalisme. Sans oublier une certaine conception de l’« écologie intégrale », peut-être moins présente qu’auparavant, qui s’oppose aux OGM comme à la PMA au nom de la résistance à l’artificialisation du vivant. Mais, en intégrant la question écologique, l’ethno-différentialisme s’est progressivement doublé de ce que l’on pourrait appeler un « éco-différentialisme », remarque le philosophe Pierre Madelin dans son article « La tentation écofasciste : migrations et écologie », dans la revue en ligne Terrestres, à savoir un « anti-immigrationnisme vert » qui cherche à articuler écologie et immigration. En tout cas, rappelle-t-il, Marine Le Pen soutient qu’il faut protéger « les écosystèmes, à commencer par les écosystèmes humains que sont les nations », et Hervé Juvin assure que l’homme doit « défendre son biotope » face aux « espèces invasives ». Puisque la protection de l’environnement et la maîtrise de l’immigration font partie des principales préoccupations des citoyens, « l’extrême droite ne pourra parvenir au pouvoir qu’à condition d’articuler de façon cohérente le rejet de l’immigration et le souci de l’environnement », analyse Pierre Madelin. Mais le terrorisme identitaire a déjà radicalisé cette jonction.

 

« Je me considère comme un écofasciste », avait écrit Brenton Tarrant, qui tua, le 15 mars 2019, à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, cinquante et une personnes et en blessa quarante-neuf dans plusieurs mosquées. L’immigration et le réchauffement climatique sont « deux faces du même problème, notait-il dans un manifeste. L’environnement est détruit par la surpopulation, et nous, les Européens, sommes les seuls qui ne contribuent pas à la surpopulation. (…) Il faut tuer les envahisseurs, tuer la surpopulation, et ainsi sauver l’environnement ». L’écofascisme est une menace bien réelle. Et la « porosité » entre une écologie progressiste et une autre conservatrice « existe bel et bien », insiste Stéphane François, notamment autour de « la défense d’un mode de vie préindustriel et enraciné ». Mais « il est inutile d’essentialiser cette convergence entre les écologies », tempère Pierre Madelin : « Ce n’est pas parce que l’extrême droite se réclame aujourd’hui de la démocratie que celle-ci est d’extrême droite. »

 

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Ecofascisme : comment l’extrême droite en ligne s’est réappropriée les questions climatiques

 

L’écologie, combien de divisions ? Autant qu’il y a de façons d’écologiser la politique et de politiser l’écologie. Parmi les tentatives de résoudre ces conflits, l’« écorépublicanisme » de Serge Audier est une voie originale et peu empruntée. Portée par une nouvelle philosophie politique destinée à affronter le défi climatique, elle se présente comme une forme de républicanisme civique capable de « dépasser son anthropocentrisme dogmatique » (La Cité écologique, La Découverte, 2020). Un écorépublicanisme qui « sera cosmopolitique ou ne sera pas », assure Serge Audier, et bien éloigné du nationalisme en tout cas, car « l’écologie politique dans un seul pays a encore moins de cohérence que le socialisme dans un seul pays ». Mais beaucoup préfèrent politiser l’écologie à partir des concepts d’« habitabilité » et de « condition terrestre ». Serge Audier estime d’ailleurs qu’« il importe que l’écologie devienne l’enjeu de controverses et de luttes politiques autour du sens même de la société présente et future ». Celles-ci ne manquent pas. Des controverses qui sont en train d’inventer, sur le terrain des idées mais aussi des idéaux incarnés, une nouvelle politique de la nature.

 

Nicolas Truong

 

Crédit photo : CHRISTELLE ENAULT

No comment yet.