"Les bioinsecticides ne seraient donc pas une solution miracle ?"
Par Guillaume Tetreau, 01.10.2020
Changer d’échelle pour mieux comprendre
"Plutôt que de questionner la pertinence du fusil pour faire la guerre, questionnons la pertinence de la guerre elle-même.
Ainsi, les bioinsecticides – notamment basés sur la bactérie Bt – présentent un ratio avantages/inconvénients très positif, souvent bien supérieur aux insecticides chimiques. Néanmoins, qu’il soit biologique ou chimique, tout insecticide a pour objectif de réduire les populations d’un insecte cible. Et cela n’est pas sans conséquence.
Dans un écosystème, toute espèce est importante. Certaines peuvent effectivement avoir un « rôle » plus important que d’autres – on les appelle alors des « espèces clé de voûte » : leur disparition impacte dramatiquement l’équilibre de l’écosystème dans lequel elles vivent.
Même si les insectes qualifiés de nuisibles sont rarement des espèces « clé de voûte », elles ne sont jamais inutiles.
À quoi peut bien servir un moustique, me rétorquerez-vous ? De par leur abondance, ils constituent une source importante de nourriture dans l’eau, où les larves se développent, pour les libellules et les poissons ; mais également dans l’air, au stade adulte, pour les chauves-souris et les oiseaux. Ils participent en outre à la pollinisation de certaines plantes, comme les orchidées.
La question à poser est donc : pourquoi souhaitons-nous réduire les populations d’insectes nuisibles ? La question des moyens mis en œuvre pour y arriver étant secondaire.
Si l’on reprend le cas du moustique, la question ne peut pas se réduire à une simple problématique écologique ; les implications sont multiples – sociétales, économiques, sanitaires et politiques. Si, dans l’hémisphère Nord, les problèmes liés aux moustiques sont pour l’instant essentiellement axés sur la nuisance occasionnée et l’impact sur le tourisme, on observe une prise de conscience grandissante de l’importance de préserver les écosystèmes. Dans ce contexte, le risque, même minime, que représente le Bti pour l’environnement peut être perçu comme inacceptable par certains.
Dans l’hémisphère Sud, l’efficacité du Bti pourra a contrario être jugée trop faible en comparaison des insecticides chimiques, les aspects écologiques étant ici largement supplantés par les problèmes majeurs de santé publique, avec de véritables enjeux pour la survie des populations locales.
On le comprend, il n’existe aucune solution miracle.
Tout dispositif de régulation s’accompagne d’avantages et d’inconvénients, de recommandations pour des situations adaptées et de contre-indications.
Il convient donc de définir des objectifs clairs visant à combiner le(s) approche(s) adaptée(s) à chaque cas particulier. C’est ce que l’on appelle la « lutte intégrée ». Conceptualisée et appliquée dès les années 1970, cette approche prend en compte les exigences écologiques, économiques et toxicologiques.
Dans un contexte de crise de la biodiversité mondiale, avec notamment une chute dramatique des populations d’insectes, situés à la base de nos écosystèmes, une réflexion sur la nécessité de la lutte contre les espèces nuisibles et une diversification des outils paraît nécessaire.
Mais cela ne peut se faire que conjointement à des modifications du comportement de chaque personne pour limiter la prolifération de ces nuisibles, tout en favorisant le maintien des autres espèces.
Et vous, dans ce monde en mutation, qu’êtes-vous prêts à changer ?"
[Image] La lutte intégrée contre les insectes nuisibles (ici le moustique) repose sur des méthodes complémentaires dont les insecticides ne sont qu’un élément parmi d’autres. Des organismes tels que les Ententes interdépartementales pour la démoustication (EID) ou l’Agence régionale pour la santé (ARS) prospectent par exemple pour identifier et éliminer des gîtes à moustiques potentiels (eaux stagnantes), dans l’environnement mais également chez les particuliers. Les gestes simples de chacun (éliminer les points d’eau stagnante, installer des nids à chauve-souris et à oiseaux, etc.) permettent de diminuer considérablement les populations de moustiques et la nuisance associée, réduisant de fait la nécessité des traitements insecticides.
Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire.
Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ».
Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.