Le climatologue toulousain, membre du Giec, rappelle l’anachronisme du chantier d’autoroute entre Castre et Toulouse et s’inquiète de voir les responsables politiques ignorer la rationalité scientifique.
par Julie Renson Miquel
Extrait
"Dans le projet d’A69, la compensation carbone a été mise en avant comme étant la seule façon de prendre en compte les dégradations environnementales. Cet argument ne résiste pas aux faits. En effet, la mortalité des forêts explose littéralement en ce moment en raison des chaleurs extrêmes, des sécheresses récurrentes ou de l’invasion de parasites et le risque d’incendie augmente considérablement avec chaque dixième de degré de réchauffement. Il n’y a rien de pérenne dans cette soi-disant compensation.
Et puis les atteintes sur la biodiversité sont tout simplement irréversibles et ne se compensent pas. Croire le contraire, c’est avoir une vision très fragmentée du vivant et des milieux naturels, considérés comme des monuments, des patrimoines statiques alors que les écosystèmes sont dynamiques. On ne peut pas les transporter d’un endroit à un autre comme par magie car on rompt les interactions entre milieux. Aujourd’hui, à l’heure où la forêt et nos puits de carbone en général s’effondrent, et où l’état sanitaire de nos écosystèmes en France est préoccupant, communiquer sur la compensation relève clairement d’une forme de greenwashing. En début d’année, le ministère de l’Agriculture a fourni les taux de mortalité des nouvelles plantations forestières en 2022 : 38 % n’ont pas survécu. Sachant que si l’on suit la trajectoire actuelle des émissions de gaz à effet de serre, l’été 2022 sera un été normal vers 2040-2045. L’argument «planter cinq arbres pour un arbre abattu» – le résultat serait le même avec 10-20 arbres –, est complètement déconnecté de la réalité d’aujourd’hui en matière d’évolution du puits de carbone."
[Image] Le directeur de recherche au CNRS Christophe Cassou à Grignano Miramare, le 24 janvier 2023. (Matteo de Mayda/Libération)
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